Alors que nous célébrons aujourd’hui le 48e anniversaire de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, nous, associations, professionnel.le.s, membres de la société civile, souhaitons rappeler notre attachement à cette loi et au droit des femmes à disposer de leur corps, et témoignons de l’impérieuse nécessité d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française.
L’avortement n’est ni un problème, ni un drame mais bien une solution à une grossesse non désirée.
En France, alors que les femmes avortent clandestinement en mettant leur vie en danger, c’est grâce à une mobilisation historique des mouvements féministes, de certain.e.s professionnel.le.s de santé, et de la société civile par la voix de Gisèle Halimi, qu’en 1974 le gouvernement est poussé à déposer un projet de loi pour dépénaliser l’avortement, étape majeure pour les droits des femmes à disposer de leur corps.
Au cours des débats, Simone Veil, ministre de la Santé, souligne sa volonté, avant tout, de trouver une solution pragmatique face à une situation sanitaire catastrophique et injuste.
Après le vote historique de cette loi, entrée en vigueur le 17 janvier 1975, les mouvements féministes restent mobilisés pour conforter ce droit et enrichir ses modalités d’accès et de prise en charge. Cela passe notamment par : la création d’un délit d’entrave à l’IVG ; l’allongement progressif du délai légal de recours à l’avortement (en 2001 et 2022) jusqu’à quatorze semaines de grossesse ; la prise en charge de l’IVG à 100% par l’assurance maladie en 2013 (jusque-là, seules les assurées mineures en bénéficiaient) ; la suppression, en 2014 de la notion d’état de « détresse » requis par la loi de 1975, et en 2016 du délai de réflexion obligatoire de sept jours entre les deux premières consultations,…
Ces évolutions contribuent à ce que le droit formel à l’IVG, motivé à l’origine exclusivement par des considérations de santé publique, réponde désormais à un véritable droit des femmes à disposer de leur corps.
Mais en dépit de ces avancées juridiques, la pratique ne suit pas toujours et les femmes qui souhaitent mettre fin à une grossesse se heurtent encore à des obstacles importants. Aux difficultés matérielles et inégalités territoriales, liées notamment au manque de professionnel.le.s et structures pratiquant l’IVG, s’ajoutent celles liées au tabou et à la stigmatisation qui règnent encore. Ces difficultés, le Planning familial les constate chaque jour dans ses permanences et au numéro vert national 0 800 08 11 11 « Sexualités, contraception, IVG ».
Et, aujourd’hui comme hier, l’IVG résulte de compromis, dans la droite ligne de ceux concédés par Simone Veil. En dernier lieu, la loi de 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement n’a pu être adoptée qu’en cédant sur la clause de conscience spécifique.
A travers le monde, le droit à l’avortement est actuellement gravement menacé. Criminalisées, empêchées d’accéder aux structures pratiquant les IVG, victimes de pressions et de harcèlement, les femmes qui souhaitent avorter se retrouvent en grand danger. Les mouvements anti-choix, ultra financés, sont très actifs partout dans le monde. Ils mènent des actions de lobbying, non seulement dans les sphères politiques et économiques, au point de faire basculer la Cour suprême aux Etats-Unis par exemple, mais aussi directement auprès des femmes ou sur internet en délivrant de fausses informations, en les culpabilisant. Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous inquiéter des résultats des élections en Italie et en Suède, et des politiques menées en Pologne et en Hongrie, très restrictives en matière d’accès à l’avortement.
Même si en France, aucun parti politique ne dit aujourd’hui clairement être opposé à l’IVG, dont l’interdiction n’est inscrite dans aucun programme électoral, restreindre les conditions d’accès, diminuer les crédits, ou encore minimiser les menaces qui pèsent sur ce droit, sont des atteintes graves au droit à l’avortement et mettent en danger les femmes. Car lorsqu’une personne souhaite avorter, elle avorte. Tenter de l’en empêcher n’aboutit qu’à la mettre en danger. Le rapport de l’OMS est très clair sur le sujet : les réglementations restrictives en matière d’accès aux droits sexuels et reproductifs impactent très fortement les femmes en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi ; elles les précarisent et les rendent vulnérables aux abus et trafics. Par ailleurs, les avortements non sécurisés sont à l’origine d’environ 39 000 décès chaque année dans le monde.
Nos droits en France sont garantis par des lois. Mais ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire, au gré des majorités politiques changeantes. Est-ce à cette précarité que nous voulons exposer l’IVG ? Le droit à l’avortement doit être protégé et garanti, assuré de ne pas être balayé par la velléité d’un bulletin de vote, l’expression d’un ras le bol, d’une lassitude ou d’une colère …
Aussi, témoins des attaques contre les droits des femmes en France et à l’international, nous réaffirmons ici notre volonté à protéger ce droit fondamental à disposer librement de son corps : nous demandons l’inscription de ce droit dans la Constitution française.
Inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, c’est renforcer sa valeur mais aussi porter un message fort, comme un étendard pour les femmes et les minorisé.es de genre du monde entier. Si les sénateurs et sénatrices se mobilisent le 1er février, la France pourrait être le 1er pays au monde à inscrire ce droit dans sa constitution. Alors au moment où la France pionnière peut s’inscrire dans l’histoire, nous appelons les sénateurs et sénatrices à se mobiliser ensemble le 1er février 2023. Comme à l’Assemblée nationale, nous comptons sur eux et elles pour dépasser les clivages partisans, pour faire prévaloir l’importance de l’enjeu et leur attachement au droit des femmes à disposer de leurs corps en votant massivement en faveur du texte présenté.